mardi 7 juin 2022

Fort de Mercy et destruction en 1944 .

FORT DE MERCY 


Il y a quelques mois nous avons déjà évoqué une partie du fort de Mercy

periode RCAF -OTAN de 1953-1967

Mercy fut le quartier général de la Royal Canada Air Force , avec ses radars.

Mais le fort de Mercy est bien antérieur, car son histoire commence début 1900, à cette période le domaine de Mercy est la  propriété de la famille du Coëtlosquet, le nouveau château n'est pas encore construit, seul les ruines sont encore présent, les écuries, les vergers, les vignes, sont encore exploitées .

En mars 1904 le Vicomte Maurice du Coëtlosquet décéda subitement, avant même la construction de son nouveau château, il avait déjà fait appel à un architecte KLEIN afin d'établir les plans du nouveau château, sa veuve la vicomtesse et sa fille Caroline du Coëtlosquet reprennent la suite des opérations. 

Un compromis semble-t-il a été fait avec Caroline du Coëtlosquet la fille du vicomte, entre elle même et les autorités militaires allemands à cette époque, afin de pouvoir construire le château elle s'engageât à vendre une partie des bois autour du domaine de plusieurs hectares.

Cela marque le commencement de la fin du domaine de Mercy.

Nous sommes en 1906. Un nouveau fort est projeté dans 'la grande banlieue de Metz, à Mercy-le-Haut. Il sera construit à 150 mètres à peine du magnifique château, encore inachevé,  que fait construire Mme du Coëtlosquet, sur l'emplacement de l'ancien château.

Le fisc militaire est en train d'acheter le terrain nécessaire,110 hectares seront pris sur le bois Brülé, le bois de Jobal et le bois de Mercy. Les premiers travaux de déboisement vont être commencés incessamment.

Nous sommes en 1906.


                                                           Septembre 1907.

La construction du fort de Mercy-le-Haut à moins d'un kilomètre du château que fait bâtir
Mme de Coetlosquet, a été adjugée à la maison Schottel et Schuster, qui a déjà construit 
le fort Kronprinz près d'Ars sur Moselle.
Samedi dernier a eu lieu l'ouverture des soumissions pour le fort de Méy.

 Une maison de Berlin a fait l'offre la plus basse.

(Presse local 1907)

Construction  du fort de  Mercy.

                                                            Un fait divers 1907.

Ars Laquenexy fait divers septembre 1907.

PRESSE LOCAL.

 - On nous écrit le 8 sept 

« Un charpentier, qui venait de boire tranquillement  avec un ouvrier du fort de Mercy-le--Haut

dans une auberge, tomba sur lui pendant la nuit dans la chambre où ils couchaient et lui asséna des 

coups de poing sur la figure, au point que celle-ci enfla terriblement et qu'il ne peut presque 

voir par les yeux. Au petit jour, le malfaiteur s'éclipsa. Plainte a été portée contre lui.

Dans le courant de cette semaine, on posera les baraques pour les bureaux et les cantines du semble à

nouveau fort de Mercy-le-Haut.


Le fort de Mercy en 1944.

Le fort de Mercy ne reste pas inactif durant la Guerre, bien au contraire, situé à deux pas du château de Mercy qui fut transformé en hôpital.  Le château de Mercy :  Teillazarett Schloss Merzig/ b. Pelters  avec un capacité de 180 lits. 
Une croix est installée sur le toit du château et également sur les escaliers du parvis, afin d'éviter les bombardements .

Chateau de Mercy
Château de MERCY avec La Croix et une inscription.







EXPLOSION DU FORT DE MERCY en 1944.

Témoignage de Mr KESSE.


MEMOIRES DE MON PERE par G. KESSE.


De 1940 à 1942, la France était divisée en deux parties, l'une occupée par les Allemands et l'autre libre.

En 1942, sur l'ordre de Hitler, la France entière fut occupée. L'arsenal de Toulon regorgeant de matériels et d'engins de guerre fut alors à l'origine d'une histoire tragique.

De fait, les Allemands y découvrirent des ogives de torpilles, toutes en cuivre, avec un puissant explosif à l'intérieur. Une telle ogive pesait environ 800 kg.

 

Pour rapatrier ces ogives vers l'Allemagne, les occupants entreposerent ces munitions dans le plus important des trois ouvrages du groupe fortifié de la

Marne, à savoir l'ouvrage de MERCY (dont croquis ci-après)

En effet, situé à 7 km de METZ, derrière le Château de MERCY, le groupe fortifié de la Marne comprenait, au total, trois ouvrages ( MERCY, ARS-LAQUE-

NEXY, JURY ) et une salle des machines pour assurer l'alimentation en eau et électricité de l'ensemble.

L'ouvrage de MERCY comprenait, quant à lui, deux sous-sols où 2500 ogives

furent entreposées dans les différentes salles, ainsi que dans les couloirs.

Treize hommes de la "KRIEGSMARINE" handicapés ou blessés pour la plupart, 

étaient affectés à la garde de l'ouvrage.

Plusieurs ogives furent envoyées, sous bonne escorte, en Allemagne pour examen.

Le 6 juin 1944, jour du débarquement, les Allemands commencèrent à acheminer ces ogives dans leur pays, pour alimenter la fabrication des V2.

Près de VERNY, il y avait un camp de prisonniers russes, dont l'emplacement existe encore. Une partie de ce camp était réservée à des femmes ukrainiennes et russes d’un gabarit hors du commun.

Tous les matins, une centaine de femmes, pour la plupart illettrées venaient du camp à l'ouvrage de MERCY, pour remonter les ogives des sous-sols

l'aide de diables spéciaux fabriqués par les Allemands pour la circonstance.

 

En effet, dans ces forts, la circulation et la manutention étaient différentes de celles d'un entrepôt ordinaire, en raison des labyrinthes, portes blindées, sas et autres couloirs très étroits.

Deux camions véhiculaient ces explosifs jusqu'à la gare de PELTRE où les wagons étaient stationnés entre la maison du garde-barrière (aujourd'hui démolie) et le quai militaire. La plate-forme des camions était de même hauteur que celle des wagons, de manière à en faciliter le déchargement.

Environ 1000 ogives furent ainsi expédiées vers 'Allemagne, à raison de six par camion.

Le 19 septembre 1944, les femmes russes arrêtèrent leur travail à 17H30, et repartirent vers le camp de VERNY.

Vers 17H45, deux camions chargés d'ogives étaient encore dans la cour de

l'ouvrage de MERCY.

Soudain apparaît dans le ciel, au-dessus du village de PELTRE et longeant

La voie ferrée, un chasseur bombardier américain de type THUNDERBOLT P 47 qui

apercevant les camions côte à côte, décida de les attaquer.

Il amorça un léger virage et piqua, en arrosant le site de ses six mitrailleuses 12,7.

Les deux camions prirent aussitôt feu.

L'avion effectua alors un virage serré et revint au-dessus de l'ouvrage

d'ARS- LAQUENEXY pour éventuellement achever le travail.

Mais, dans le même temps, se déclencha une terrible explosion !



Fort de Mercy avec le cratère de l'explosion .

Aujourd'hui la zone est entièrement boisée, avec cette photo qui nous montre l'explosion d'une grande puissance.

 

En effet, les ogives posées sur les camions en feu explosèrent, transmettant l'onde de choc à toutes celles entreposées dans les sous-sols (environ 1500) qui explosèrent presque simultanément.

Le souffle produit par l'explosion fit tourbillonner, comme une feuille morte, l'avion qui se trouvait à l'aplomb du Fort, et dont le moteur cala.

Le pilote après quelques manœuvres, réussit à le faire redémarrer et se dirigea vers NANCY, ville déjà libérée depuis le mois de septembre.



photo chateaudemercy.com


 

Les tonnes d'explosifs contenues dans ces ogives firent éclater le Fort et creusèrent un immense cratère qui aurait pu contenir la cathédrale de METZ!

Un nuage de fumée et de poussières soudain obscurcit le ciel et toute la région messine subît des retombées dans les trois heures qui suivirent

Des blocs de plusieurs tonnes furent retrouvés à plus d'un kilomètre du lieu de l'explosion !

Mon père se trouvait, à cet instant, dans la salle des machines, à environ 8 mètres sous terre, avec deux gardes qui étaient venus faire recharger leur lampe à carbure, les diesels ne fonctionnant pas la nuit.

L'air devint irrespirable

Les moteurs diesels s'emballèrent et les générateurs commencèrent à prendre feu.

Le tableau électrique, long d'une dizaine de mètres, lança des étincelles et le carrelage tomba des parois, le tout dans une obscurité totale !

Ne sachant pas ce qui se passait au-dessus d'eux, les Allemands hurlaient.

Le gaz des explosions s'engouffra dans la salle des machines par les sou-terrains.

Mon père, qui connaissait parfaitement la topographie des lieux, se dirigea vers l'échelle de sortie, en évitant de passer près des volants d'entrainement des moteurs, qui mesuraient plusieurs mètres de hauteur, et pesaient plusieurs tonnes.

Malgré l'état dans lequel il se trouvait, il pensa qu'il s'était passé quelque chose dans l'ouvrage de MERCY.

Avec deux soldats, il déblaya le local atelier qui s'était effondré, obstruant totalement le puits de remontée.

Après deux heures d'efforts, ils réussirent à sortir.

Dehors, le paysage était hallucinant, voire apocalyptique !

 

Trois jours avant l'explosion, des éléments d'une division de SS venus du Front

de Normandie, étaient venus se reposer au Château de MERCY, au moyen de motos side-car, de blindés légers, ainsi que de véhicules anglais capturés sur le Front.

Lesdits véhicules, chargés de chaussures, de cigarettes et autres effets, étaient maintenant éparpillés, éventrés, suite aux explosions.

Sous la violence du souffle, les corps des SS, complètement disloqués avaient été projetés dans les arbres, alors que d'autres se trainaient en hurlant de douleur.

En état de choc, mon père fut pris de saignements du nez, de la bouche et des oreilles. 

Les mains ensanglantées, il réussit à se diriger vers la ferme du château de MERCY qui était gérée par la famille LAURENT. En effet, celle-ci avait

été expulsée de la ferme de Crépy, occupée par les SS.

Ce fut Madame ROUYER, qui habite encore aujourd'hui à PELTRE, (à l'époque Mlle Marie LAURENT) qui trouva mon père, à moitié évanoui, devant l'auge de la ferme.

Elle lui prodigua les premiers soins en lui retirant une boule de poussière du fond de la gorge. Remis en partie de ses émotions, celui-ci regagna son domicile à Peltre.



 

Ayant assisté au mitraillage et au souffle de l'explosion, ma mère et moi avions pensé qu'il se passait quelque chose. Mon père arriva alors, profondément choqué, et nous fit part de la catastrophe.

Pour ma part, je me précipitais au Couvent pour demander à la dévouée Sr

Charles-Marie de venir soigner mon père.

Elle l'ausculta et lui donna des comprimés en lui ordonnant de se reposer.

Le village était en émoi à la nouvelle de l'explosion du Fort de la Marne, car tout le monde savait que mon père y travaillait.

Deux jours après ce drame, un " Felwebel " (adjudant) vint chercher mon père, lui pointant sa mitraillette dans le dos, et lui disant " qu'il ne fallait pas tirer au flanc, alors que les soldats sur le Front russe subissaient journellement de telles choses ".

Mon père fut soupçonné d'avoir divulgué ce qui se passait dans l'ouvrage. En effet, les Allemands admettaient mal que tout ait explosé d'un seul coup.

De retour sur les lieux, mon père vit une scène de désolation.

Des pionniers allemands, venus de METZ de la " Festungsdienstelle (chefferie du génie), s'affairaient à dégager la façade du bunker, lequel faisait office de poste de police et de logement pour les gardiens de la "Kriegs-marine"

En effet, ce bunker s'était littéralement couché sur sa façade, emmurant tous ses occupants.

Les soldats creusèrent et déblayèrent.

Ensuite, ils fixèrent une ficelle au collier d'un chien et, la reliant à une corde, aidèrent les quelques survivants à sortir.

Si le chien parvint jusqu'aux blessés les plus proches, ils n'arrivèrent pas à les extraire, malgré des efforts soutenus.

Pendant plusieurs jours, des râles et des gémissements s'échappèrent de ce tombeau.

Les sauveteurs arrêtèrent leurs efforts lorsque tout bruit cessa.

Les pionniers qui œuvraient sur place fabriquèrent trois grandes croix, avec des planches

et inscrivirent les noms de 81 victimes ( 11 issues de la" Kriegsmarine" et 70 SS ).

Ces croix furent disposées toutes trois au bord du cratère.




Le cratère du à l'explosion du fort de Mercy, nous sommes en 1953 photo RCAF




                                                                  Le cratère de nos jours.


Photo chateaudemercy.com


Puis, ce fut la Libération.

Mon père avait repris ses fonctions dans les Forts et notamment au Château de MERCY, occupé par l'US ARMY, afin d'y assurer l'approvisionnement en eau.

Au mois de mars 1945, mon père fut invité à une réception au Château afin d'être présenté au jeune lieutenant, pilote du chasseur bombardier, et de lui expliquer comment deux camions mitraillés avaient pu provoquer cette mémorable catastrophe.

En cette occasion seulement fut révélé le déroulement réel des évènements.

Mon père dut ensuite le répéter de nombreuses fois, devant les hauts officiers alliés.

Ce jeune lieutenant et mon père allèrent prendre des photos devant le cratère, pour la revue américaine." Stars and Stripes"

Je cherche toujours ces revues que mon père avait soigneusement conservées mais, suite à de nombreux déménagements, il m'a été impossible, jusqu'à présent, de les retrouver.

Ainsi se termine le récit.

Un peu long mais authentique, de la catastrophe du groupe fortifié de la Marne, intégralement
 retracée ici à la mémoire de mon père.

Gilbert KESSE.



Des blocs de plusieurs tonnes.




Des parties entières du fort ont été soulevé.


Cette partie de la caserne a été littéralement soulevé, et penche dangereusement. Fort de Mercy.


Sur cette photo nous observons l'inclinaison du au souffle de l'explosion.





De nos jours, les terres entourant le fort appartiennent toujours aux armées.



À suivre...















12 commentaires:

  1. Très beau témoignage, si peu connu des habitants Messins et mosellans. Merci pour ce mémoire.

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  2. Très beau témoignage, si peu connu des habitants Messine et mosellans. Merci pour ce mémoire.

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  3. Merci pour ces informations qui me donnent l'histoire de mon lieu de vie... J'ai vécu toute mon enfance sur la ferme de mercy, et je connais bien ces endroits... Dont le cratère, je pense savoir où le situer 🙄...
    Merci infiniment.

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  4. Un très beau témoignage. Merci de garder en mémoire à travers cet article très bien formulé.

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  5. Passionnant récit. On aimerait en savoir plus. Je suis venu cet été redécouvrir ce lieu que j'ai connu en 1983 pendant mon service militaire. Les blockhaus sont encore en terrain militaire. C'est très étonnant car il n'y a plus de militaires dans les environs. Pourquoi ne pas faire un lieu de mémoire ? Cette région est tellement riche de son passé.

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  6. Bonjour, auriez vous une e-mail de contact, j’ai plusieurs questions concernant l’histoire du fort de Mercy.
    Paul

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    1. Bonjour oui emmanuelsteimetz@gmail.com je suis l'administrateur de ce blog, bien à vous

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    2. Je faisais partie de la 75/06 a l'état major du château de Mercy.

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    3. rcb.46@orange.fr

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    4. Si vous avez des photos ou documents n’hésitez pas à me contacter par mail emmanuelsteimetz@gmail.com merci

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